Comment l'arianisme a presque triomphé
Comment l'arianisme est presque sorti vainqueur !
Par Christopher A. Hall
Au Concile de Nicée, en 325, Arius et ses idées étaient bannis. Mais pendant les décennies qui ont suivi, l’Arianisme avait refait surface, et l’orthodoxie gagnée à Nicée était de nouveau menacée. En effet, à cause de l’influence de l’empereur sur les affaires de l’église, la théologie dominante de chaque époque dépendait de la position théologique des évêques qui avaient le plus d’influence auprès de l’empereur. En effet, l’unité théologique de l’église fortifiait l’unité politique de l’empire. Ainsi, si un empereur pro arien arrivait au pouvoir, les évêques ariens dominaient et poussaient les évêques orthodoxes à l’exil, et vice-versa. Tel fut le cas sous les règnes des empereurs Constantius et Valens qui furent des pro-Ariens. Sous leurs règnes, plusieurs évêques pro-Nicée furent bannis.
Par exemple, en 335, Constantin a fait exiler Athanase à cinq reprises, tandis que pendant la même année, Arius retrouva la faveur de l'empereur romain.
Au cours des 56 années entre le Concile de Nicée et le Concile de Constantinople, les empereurs romains déposèrent et exilèrent plusieurs évêques et presbytres, selon qu’ils les jugeaient schismatiques ou hérétiques. Ces actions ont créé une atmosphère de suspicion, d'intrigue, de division et de haine au sein de l'église. Les évêques orientaux pro-Nicée avaient souffert sous le règne de Constantius. Après l'assassinat en 350 de Constance, frère de Constantius, l'empire fut consolidé sous la domination de ce dernier. Pendant son règne, les pro-Ariens prirent le dessus. Bien que Constance mourût en 361, ses successeurs étaient plus soucieux de maintenir l'unité de l'empire que de pureté doctrinale de l’église. Lorsque Valens prit le commandement en Orient en 364, il persécuta les évêques qui remettaient en question la position arienne.
Rationnel, mais erroné
En plus de l'aide apportée par les empereurs, les idées d'Arius étaient facilement acceptées par les masses, parce qu'elles expliquaient la relation entre le Père et le Fils d’une manière simple. En effet, Arius a commencé par le présupposé fondamental que l'essence divine est une unité indivisible, et non une substance qui peut être divisée ou distribuée. Si cela était vrai, comment pourrait-on dire avec cohérence que Dieu pouvait être divisé en personnes? Il était impossible pour Dieu «d'engendrer» un Fils divin, car un tel engendrement ou une telle génération impliquerait le fait de diviser Dieu, qui est intrinsèquement indivisible.
Ainsi, selon Arius, le Fils doit être créé, au lieu d’être non crée comme le Père. Arius affirme : « Si nous devrions tracer une ligne séparatrice entre la divinité non créée et toutes les créatures - si exaltées soient-elles - le Fils serait nécessairement inclus parmi toutes les autres créatures. » Bien qu'Arius ne mette pas en doute le statut spécial, élevé du Fils sur toute la création, toutefois il refuse que le Fils soit éternel dans le même sens que le Père. Selon Arius : « Il fut un temps où le Fils n'était pas. »
La réponse de Nicée à Arius était que le Fils était de la même substance (homoousios) avec le Père ; une déclaration théologique vigoureusement débattue tout au long du quatrième siècle. L'église a eu besoin de ces années pour trier et clarifier ce que l’expression homoousios signifiait. Certains théologiens étaient critique de l’expression affirmant qu’elle diluait la distinction véritable entre le Père et le Fils. Pour ces derniers, Nicée n’aurait été qu’une forme voilée du Sabellianisme (Modalisme). D’autres théologiens, au contraire, ont affirmé que le Père et le Fils ne partagent pas la même nature, mais plutôt partagent une nature semblable, (en grec : homoiousios. Mais si l'essence du Fils est seulement semblable à celle du Père, en quel sens est-elle alors différente?
Intelligence Agressive
Avec perspicacité, Athanase a compris que si la croyance arienne considérant le Christ comme une créature exaltée gagnait, l'évangile serait compromis. Athanase a insisté sur les deux points suivants :
1. Dieu seul peut sauver l’humanité pècheresse. Une créature ne peut sauver une autre créature. Alors qu'Arius s’acharnait conférer au Fils, le considérant comme élevé au-dessus des autres créatures, sa compréhension du Christ était sans fondement biblique. Le Christ arien, Athanase insistait, n'était pas notre Sauveur.
2. D’une manière pratique, Athanase a posé la question suivantes aux églises ariennes : Si Christ n'est pas Dieu, comment est-ce que ces églises continuaient-elles à l’adorer ? N’est-ce pas commettre un blasphème que d’adorer une créature ? En fait, Athanase a accusé Arius et ses disciples de double blasphèmes : ils blasphémaient d’un côté en adorant Christ, qui serait une créature comme Dieu ; ils blasphémaient de l’autre côté en appelant le Dieu incarné, simple créature. Athanase a insisté sur le fait que lorsque nous adorons le Fils, nous adorons légitimement celui dont la divinité trouve sa source dans la divinité du Père. En tant que «descendance» du Père, écrit Athanase, le Fils est bien distinct. Mais il ne faut pas que cette distinction fondamentale brouille «l'identité de la divinité». «Car le rayonnement est aussi lumière, non pas une seconde lumière différente du soleil, ni une lumière différente en elle-même. Personne ne dirait qu'il y a deux lumières, mais que le soleil et son éclat sont deux, tandis que la lumière du soleil, qui éclaire les choses partout, est une. De même, la divinité du Fils est celle du Père.
Tel Père tel Fils
Athanase affirme : « L'unité essentielle du Père et du Fils signifie que tout ce qui est affirmé du Père doit l’être aussi du Fils, « sauf le titre Père ». En bref, si le Père est Seigneur, le Fils est Seigneur. Si le Père est lumière, le Fils est lumière.
Pendant plusieurs années, au IVe siècle, la cause arienne semblait triompher. Les idées d'Arius offraient une approche rationnelle raisonnable concernant la relation entre le Père et le Fils ; tandis que le Symbole de Nicée semblait confus, non biblique. Mais finalement, c’est l'enseignement de Nicée qui a triomphé.
Théodose, le premier empereur depuis de nombreuses années à s'opposer fermement à l'arianisme, a affirmé la légitimité et l'orthodoxie des évêques et des prêtres qui soutenaient le Symbole de Nicée. Sous sa direction et son autorité impériale, le concile de Constantinople (381) a réaffirmé et développé les déclarations faites par les évêques nicéens quelque 56 ans plus tôt.
Christopher A. Hall est doyen du Templeton Honours College de Eastern University et auteur de Learning Theology with the Church Fathers (InterVarsity Press, 2002).